Électrification : une transition qui s’annonce compliquée

Au premier semestre, les voitures neuves immatriculées en France ont affiché des niveaux d’émissions de CO2 en très forte baisse. Mais le chemin reste encore long avant d’atteindre les niveaux fixés par l’Union européenne, d’autant que la crise économique qui pointe va rendre encore plus délicate cette transition vers l’électrification…

Très exactement 99 g/km : c’est le niveau moyen d’émissions de CO2 (mesuré selon l’ancien protocole NEDC) des 715 804 voitures neuves immatriculées en France au premier semestre 2020, selon les données compilées par l’organisme AAA Data pour le quotidien Les Échos. En 2018 et 2019, la moyenne du marché hexagonal était encore à 112 g/km. Une baisse de 11,6 % des émissions d’un coup d’un seul, c’est du jamais vu !

Il faut bien évidemment y voir l’influence de Bruxelles, et de la norme des 95 g/km à laquelle tous les constructeurs devront se conformer cette année, au risque de payer des amendes dissuasives (95 € par gramme de dépassement et par véhicule vendu dans l’année !). Pour atteindre cet objectif, les marques ont fait le ménage dans leurs gammes, en éliminant les versions les plus émettrices de CO2, et ont multiplié les variantes hybrides rechargeables et 100 % électriques. Et comme ces dernières comptent double cette année, ils n’ont pas hésité à différer leurs livraisons de voitures électriques au début de cette année, et à faire au contraire passer un maximum d’autos « chargées » en CO2 avant le 31 décembre dernier.

C’est ainsi que PSA est passé de 105 g/km en 2019 à 90 au premier semestre. Dans le groupe, c’est DS qui réalise la meilleure performance (74 g/km), notamment grâce au lancement du DS 7 Crossback hybride rechargeable et du DS 3 Crossback électrique. Renault est pour sa part passé de 110 à 97,3 g/km, et peut remercier la Zoe qui a quasiment doublé ses scores d’une année sur l’autre. À l’inverse, d’autres marques sont à la traîne. Dacia pointe à 112 g/km, tout comme Fiat ou Mercedes. Volkswagen est à presque 108 g/km. En clair, il y a encore du pain sur la planche !

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Et encore, ces chiffres ne concernent que le marché français, or les 95 g/km s’appliquent à l’industrie dans toute l’Union européenne. Et la France est plutôt un marché de petites voitures (les Renault Clio et Peugeot 208 caracolent en tête des ventes), légères, modestement motorisées et donc peu émettrices de CO2. À l’inverse, les grosses cylindrées sont plus populaires en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Suède. On peut donc imaginer que les moyennes d’émissions y sont nettement plus élevées…

Alors les constructeurs souquent ferme pour rattraper le temps perdu, d’autant plus que la Covid-19 et le confinement sont passés par là. Il ne se passe pas une semaine sans que soit annoncé ou lancé un nouveau modèle « plugin hybrid » ou « full electric », tandis que certains prennent du retard. Initialement annoncée pour le printemps, la très attendue Volkswagen ID.3 a connu un développement compliqué et ne débarquera ainsi en concessions qu’à la fin septembre… si tout va bien. Autant d’immatriculations ratées pour le millésime 2020 et ses calculs à base de CO2 !

Pour couronner le tout, une crise économique sans précédent pointe le bout de son nez. La Commission européenne anticipe ainsi une baisse de 7,7 % du PIB dans la zone euro en 2020. La France devrait voir son PIB reculer de 8,2 %. Mais ce n’est rien par rapport à l’Espagne (- 9,7 %), l’Italie (- 9,5 %), ou la Grèce (- 9,4 %). Même l’Allemagne doit s’attendre à une chute de 6,5 % de son PIB cette année. Un tel ralentissement économique sera forcément lourdement pénalisant pour l’industrie automobile, qui ne rattrapera sans doute jamais les ventes « perdues » lors du confinement, et risque de voir ses volumes s’étioler au cours des prochains mois. Or moins d’immatriculations, c’est moins de revenus à réinvestir dans les nouvelles technologies stratégiques dont l’importance sera vitale à l’avenir, comme la voiture autonome ou… l’électrification !

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Certains constructeurs ont d’ores et déjà revu leurs priorités. À l’image de BMW et Mercedes, qui ont décidé de « suspendre » leur alliance dans la voiture autonome. Les deux marques auront d’autres chats à fouetter dans les prochains mois, et Mercedes a préféré s’en remettre aux solutions fournies par l’équipementier Nvidia. Des solutions « off the shelf » qui ont pour avantage de réclamer des investissements réduits en recherche et développement. Gageons que d’autres groupes adopteront le même genre de stratégie.

D’autant que ce les 95 g/km ne sont que la première haie d’une longue course ! Car il y aura ensuite l’objectif de – 15 % de CO2 en 2025 (par rapport au niveau de 2021), puis de – 30 % en 2030 ! D’ici là, il faut espérer que les automobilistes européens se ruent sur les voitures électriques… et que le réseau de bornes de recharge suive la tendance. Les constructeurs n’ont pas fini de passer des nuits blanches.

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